Comme une tache d'encre

Un texte poétique de 445 mots ; temps de lecture : 4 minutes

La forêt soupira. La brume de son souffle s'étendit sur la vallée, la couvrant d'un mystère ancien.

Amusés par cette audace, les nuages se regroupèrent pour danser au-dessus du lac voisin.

Tandis qu'ils tournoyaient gaiement, la Lune s'offusqua de voir son magnifique reflet argenté disparaître sous leur nuée. Sa rondeur éclatante illuminait la nuit, caressant les reliefs endormis.

L'horizon commença à s'agiter, rougeoyant d'impatience à l'idée d'un nouveau jour à célébrer. Le Soleil viendrait bientôt le rejoindre, asséchant la rosée. Leur manège était plutôt bien huilé.

Ainsi, la Terre renaissait sans cesse. Mais aujourd'hui, elle n'était pas d'humeur et se mit à gronder, faisant trembler de peur ses habitants consternés. Sa patience était usée par les milliards d'années passées à espérer ne plus être le jouet bleuté d'un Univers égoïste et froid.

Ce dernier se moquait bien des attentes de la Terre et de tout ce qui tournait autour d'ailleurs. Ses projets étaient bien supérieurs à ce qui vivait et mourait sur cette planète, certes très jolie à regarder, surtout lorsqu'il s'ennuyait. Elle n'était qu'un point minuscule dans son immensité, un ancien joyau qu'il conservait comme on peut garder dans un recoin un vieux tableau auquel on s'est attaché.

Par le passé, elle l'avait défié, remettant en cause son improbable mosaïque. Il lui avait suffit d'une pichenette dans un minuscule caillou pour la remettre dans le rang. Ce qui n'était pour lui qu'un grain de sable avait été l'astéroïde dévastateur qui avait précipité la fin des dinosaures. Quelle importance ? Seule comptait la transformation !

Il pouvait être tellement impulsif dans sa création. Tout résultat ne pouvait être que temporaire et lui seul avait le dernier mot sur ce qui naissait, se transformait, disparaissait pour mieux renaître et se transformer encore, et encore.

Il pouvait au même instant modeler une nouvelle planète et créer un trou noir, faire tournoyer une galaxie, exploser une étoile ou éteindre un soleil, s'étirer encore pour ouvrir de nouveaux chemins dans ce vide éternel, originel, sombre et profond.

Comme une tache d'encre qu'il redessinait en permanence, l'éclaboussant parfois de quelques couleurs, il s'amusait à le modifier lentement, inexorablement, pour qu'il accueille en son sein de nouvelles pensées créatrices, de nouveaux éclairs de génie à même de repeindre l'avenir du monde, de transformer les molécules d'apparence immuable pour réharmoniser à l'infini le visible comme l'invisible. Il lui arrivait même de créer des sons, des vibrations qui s'étendaient à l'infini et animaient cette œuvre incroyable.

Comme il se sentait seul parfois dans cette immensité...

Ce qu'il ignorait, c'est qu'une autre tache d'encre se dessinait dans un autre vide, parallèle au sien. Bientôt, elle le rejoindrait, modifiant à jamais la vision de l'Univers.

Sylveen S. Simon - Ecriture poétique à partir d'une image - 11 septembre 2022

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