Les Contes de Djourah

Chapitre 8

Làidir découvrit le champ de bataille comme s'il le survolait dans sa globalité. Il arrivait à point nommé. Une brèche dans le dernier cercle de protection laissait se déverser l'ennemi à l'intérieur de la dernière zone de défense qui entourait l'enceinte de la cité assiégée. Telle une vague en furie, l'armée de Prédateurs submergeait les forces de défense de Bhaile. Son retour devait être très attendu par les nanouvôthiens, qui ne baissaient pas les bras.

Làidir aperçut Djaïr qui semblait gravement blessé. Son sang vert maculait son habit. Autour de lui se trouvaient Hôlyana et son oncle, qui semblait blessé lui aussi. Djourmagh continuait de se battre sans relâche pour les protéger, aux côtés d'un Prédateur. En les voyant combattre côte à côte, Làidir sut qu'il avait fait le bon choix.

Une brute immense fonça sur le groupe et décocha un coup d'une extrême violence au Prédateur qui lui faisait face, catapultant son poing comme une masse vers sa tête. Le Prédateur perdit son casque sous l'impact. Làidir reconnut Klauth'k. Son sang bleu s'écoulait sur son armure. Il semblait bien mal en point lui aussi. Djourmagh tenta un assaut mais fut projeté comme un fétu de paille deux mètres plus loin. La situation était critique. La brute se rua vers Klauth'k et marcha sur la poitrine de Djaïr au passage, l'enfonçant à moitié dans le sol boueux.

Làidir dirigea immédiatement les bulles qui l'accompagnaient vers Hôlyana. Avec l'aide de son armée d'esprits des anciens, Làidir empoigna l'ennemi et le souleva de terre. Les Prédateurs, chacun à leur tour, se mirent à flotter dans les airs pour être reconduits de l'autre côté de la barrière de protection, dont il ne restait plus grand-chose. Devant ce spectacle inattendu, les factions stoppèrent leur attaque. Les chefs de section rebelles retirèrent leur casque et demandèrent à leurs factions de déposer leurs armes, invectivant les autres factions à faire de même.

Làidir confia Ghônth'k à quatre bulles, qui continuèrent à le maintenir en l'air. Ghônth'k continuait à gesticuler et hurlait toute sa haine envers ses ennemis, qui n'eurent d'autre choix que de l'endormir profondément afin qu'il cesse de se débattre. Làidir s'approcha d'Hôlyana et la prit dans ses bras. Azmera, accompagnée d'Ozmalött, se précipita vers eux.

- Mes enfants ! Vous êtes saufs, quel bonheur.

Làidir serra sa mère contre lui. Il était arrivé à temps et semblait avoir fait le bon choix.

- Mère, il faut ordonner l'arrêt de tous les combats et entrer en pourparlers. J'ai proposé aux patriarches une solution nouvelle, pour ne pas subir la même problématique encore et encore. Les nanouvôthiens et les anghônariens sont extrêmement proches et similaires sur bien des plans. Ils ne peuvent qu'être qu'issus de la même racine. Etant de proches cousins, nous devons nous réconcilier et faire en sorte que nos deux mondes se rapprochent, pour que chacun bénéficie de ce que l'autre a su créer ou développer. Nous avons beaucoup de choses à apprendre les uns des autres et à partager.

- Mon fils, je suis tellement fière de toi. Tu as choisi une voie nouvelle qu'il me tarde d'emprunter. Ozmalött, pourriez-vous, avec l'aide des esprits des anciens, faire en sorte qu'une délégation d'anghônariens nous rejoigne dans la salle du Conseil, pour discuter de cette paix qu'il nous faut instaurer au plus tôt ?

- Je m'y emploie immédiatement. Je vous demande juste un tout petit instant...

Ozmalött se pencha sur Djaïr qui était gravement blessé, et utilisa la magie pour le ramener à un état plus proche de la vie que de la mort. Moins mal en point que Djaïr, Kourôth fut immédiatement remis sur pieds par les bons soins magiques d'Ozmalött.

- Djourmagh, merci de ramener Djaïr dans la cité et de veiller sur lui en attendant mon retour. Je m'en occuperai personnellement dès que j'aurai rempli ma mission, ce qui ne saurait prendre beaucoup de temps, je vous rassure. Mais n'hésitez-pas à quérir l'aide des enchanteurs et envoûteuses en attendant.

- Merci Ozmalött. Je m'en occupe. Vous m'accompagnez, Kourôth ?

- Bien volontiers. Je vais avoir besoin de repos !

- Je pense que nous en avons tous besoin...

Hôlyana s'était approchée de Klauth'k. Il perdait beaucoup de sang.

- Vous nous avez sauvés... quel est votre nom ?

Làidir s'approcha et répondit à sa place.

- Klauth'k. Il s'appelle Klauth'k.

Klauth'k le regarda, étonné. Comment un nanouvôthien pouvait-il le connaître ?

- Je m'appelle Làidir et Hôlyana est ma compagne.

Klauth'k regarda Hôlyana.

- Vous ressemblez tellement à ma compagne... c'est... troublant.

Hôlyana lui sourit. Sa robe était maculée de sang tantôt vert, tantôt bleu, se mêlant pour former un tableau abstrait de bulles étranges. Ozmalött s'approcha.

- Hôlyana, je suis navrée pour ta jolie robe mais elle est pour le moins, à l'évidence, l'emblème du rapprochement de nos deux peuples.

Hôlyana lui sourit. Ozmalött soigna rapidement Klauth'k qui, à son tour, fut remis sur pieds.

- Bien, je vous laisse mes enfants. Le devoir m'appelle. Faites conduire tous les blessés dans la grand 'cour pour que les enchanteurs et les envoûteuses s'en occupent. Et j'ai bien dit TOUS les blessés, sans exception ! Les esprits des anciens vont vous aider à les remettre sur pieds.

- Nous allons nous en occuper Ozmalött. Merci.

Aidés des esprits des anciens, les blessés furent conduits vers Bhaile afin d'être soignés. Les habitants de la cité virent alors une étrange procession entrer dans la ville. A sa tête, Azmera et Làidir, suivis pêle-mêle de Prédateurs et de défenseurs nanouvôthiens. Tous semblaient avoir grand besoin de soins. Des lits de camp de fortune furent installés afin de soigner les blessés. Des repas furent servis et bientôt, des rires recommencèrent à éclater dans la cité. La paix se faisait déjà sentir et elle avait l'odeur d'un grand repas de fête.

Pendant ce temps-là, Ozmalött et les esprits des anciens, accompagnés des chefs de faction rebelles, œuvraient pour préparer une délégation. Ils se heurtèrent à quelques chefs de bataillon récalcitrants, mais dans l'ensemble, la tâche ne fut pas trop ardue.

Sur la base anghônarienne, le calme finit par régner et une délégation fut constituée. Les chefs de faction rebelles en faisaient tous partie, ainsi que les chefs d'état-major, hormis un qui préférait mourir que de se rendre. Celui-ci rejoignit bientôt Ghônth'k, qui continuait de grogner au fond de sa cellule. Les troupes anghônariennes ne furent pas trop difficiles à convaincre une fois leurs chefs impliqués. Après tout, l'avenir qu'on leur promettait était plus radieux.

Deux navettes furent diligentées vers Anghônara afin d'aller chercher le Commodore, qui ne pouvait qu'être présent à la cérémonie pour signer le traité de paix. A leur bord avaient pris place quelques esprits des anciens, ainsi que deux factions, dont celle de Klauth'k. Pour gagner du temps, les esprits des anciens formèrent une sorte de tunnel qui relia les deux planètes et réduisit le temps de voyage à quelques minutes. La délégation rencontra le Commodore et lui présenta l'offre de paix.

Malheureusement, le Commodore ne l'entendait pas de cette oreille et tenta de soulever la population contre cette idée. Klauth'k et sa faction n'eurent aucun mal à les rallier à leur cause, d'autant plus que la majorité des soldats était sur Nanouvôth et que la garde rapprochée du Commodore ne faisait pas le poids face aux esprits des anciens. La faim et le manque de tout se faisait sentir depuis trop longtemps, ainsi qu'une énorme envie d'en finir avec ces conditions de vie spartiates. La promesse d'une vie meilleure était trop belle.

Le Commodore finit par se rendre à l'évidence : il avait perdu. Il se retira dans ses appartements. Quelques instants plus tard, une énorme déflagration eut lieu, réduisant en poussière le Commodore et ses appartements.

Les esprits des anciens ne comprirent pas ce geste, qui avait privé le Commodore de son ascension. Ils se demandèrent ce que le Commodore avait voulu leur cacher en mettant fin ainsi à sa vie. Peut-être que la réponse à ce choix de guerre leur avait échappé... Certains proches du Commodore seraient peut-être à même de les éclairer. Mais l'heure n'était pas aux investigations.

Aucun anghônarien n'avait versé de larme à l'annonce de sa mort, et tous se préparaient déjà à un nouvel avenir, bien plus éclatant que celui que leur proposait leur feu Commodore. Quelques heures plus tard, quatre navettes repartirent vers Nanouvôth, les deux navettes supplémentaires emportaient à leur bord les familles des chefs de section.

Les navettes empruntèrent le tunnel des anciens et se posèrent quelques minutes plus tard sur la base. Les nouveaux arrivants se joignirent à la délégation qui les attendait pour partir. Quelques soldats furent étonnés d'apprendre que leur Commodore avait mis fin à ses jours mais peu le déplorèrent.

Comme le pensaient Làidir et Klauth'k, beaucoup en avaient assez de cette guerre sans fin et rêvaient d'un monde meilleur. Aussi, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que la délégation quitta enfin la base pour rejoindre Bhaile.

Sylveen S. Simon