Erevnitis : Chapitre 2

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Aiyana

Après un petit déjeuner composé essentiellement de fruits, de légumes et de légumineuses, Waban conduisit Erevnitis jusqu'à l'espace en travaux, où s'affairaient déjà d'autres hommes.

Erevnitis participa à la construction de l'édifice, faisant semblant d'apprécier ce travail dont il pensait que tout bon robot aurait pu le réaliser dix fois plus vite et sans défaut.

L'approche architecturale était cependant intéressante. Chaque élément était pensé pour une vie agréable, en harmonie avec la nature qui l'entourait. La manière dont ces hommes utilisaient les ressources naturelles captivaient Erevnitis. Lorsque les murs furent terminés, les hommes s'agenouillèrent et sortirent des dizaines de petites boîtes qu'ils ouvrirent. Des sortes de lucioles étaient au fond. Les hommes plongèrent délicatement leurs mains dans les boîtes afin que les lucioles grimpent dessus. Ainsi, ils les sortirent toutes pour les poser délicatement sur les murs, à quelques centimètres d'intervalle.

Les petites bestioles se mirent à chanter, un peu à la manière des grillons sur Terre. Les hommes entonnèrent un chant étrange, puis les lucioles se turent. Après quelques instants passés dans un silence étrange, chaque luciole rentra dans le mur. Quelques instants plus tard, les murs commencèrent à luire.

La journée avait vite passé. Waban et Erevnitis rentrèrent pour retrouver Aiyana. Celle-ci n'était pas encore rentrée.

Après s'être douchés, Waban et Erevnitis s'installèrent dans le jardin en attendant le retour d'Aiyana. L'endroit était propice à la détente et au repos.
On entendait le chant léger d'un oiseau et une légère brise adoucissait cette fin d'après-midi. Erevnitis avait appris beaucoup de choses sur Mitéra et ses habitants.

- « Nous avons bien avancé aujourd'hui. Merci pour ton aide, Erevnitis. »

Erevnitis sourit à la manière d'un ange diabolique. Il avait songé à une première expérience à mener la nuit dernière. Pourquoi pas maintenant ?

Il se leva et plongea brutalement un dard dans la nuque de Waban qui, instantanément, fut plongé dans un profond sommeil. Erevnitis entoura Waban d'une sorte de voile d'invisibilité et le laissa là, étendu dans l'herbe.

Erevnitis prit l'apparence de Waban, trait pour trait. Il entraîna sa voix, ses gestes. Il avait totalement intégré le personnage afin de mieux prendre sa place. Personne n'aurait pu faire la différence.

Lorsque la douce Aiyana rentra, elle se jeta par habitude au cou de son compagnon et ne remarqua rien. Erevnitis joua le jeu et entreprit de démarrer son expérience.

Après un long baiser, il porta Aiyana jusqu'à leur chambre et lui retira sa robe légère en coton blanc. Il la caressa et lui souffla les mêmes mots que Waban avait utilisés la veille au soir. Erevnitis n'avait jamais fait l'amour mais il s'était beaucoup documenté grâce, entre autres, au carnet d'Exypnos.

Cependant, en tant que novice en la matière et surtout pour ne pas éveiller de soupçons chez Aiyana, il copia consciencieusement tous les gestes de Waban.

Malgré la passion évidente entre ces deux êtres, Erevnitis n'arrivait pas à toucher le cœur de l'expérience : ressentir l'amour profond qu'ils se portaient.

Captivé par cette pratique, Erevnitis décida d'y ajouter une touche personnelle issue du carnet d'Exypnos. Aiyana sembla étonnée et commençait à percevoir un léger changement qu'elle n'aurait su expliquer.

- « Waban, est-ce que quelque chose ne va pas ? Tu sembles... différent ce soir. »

- « Différent ? Non, j'ai juste envie d'essayer de nouvelles choses. Cela pourrait être amusant. Le veux-tu aussi ? »

Aiyana hésita un court instant, mais elle avait totalement confiance en son compagnon et n'avait donc aucune raison de se méfier particulièrement.

- « Oui. » répondit-elle. « Si c'est ce que tu souhaites... ».

Erevnitis expérimenta différentes choses qui tantôt étonnèrent Aiyana, tantôt la transportèrent vers un niveau de plaisir inégalé.

Alors qu'il pensait encore pouvoir continuer, Aiyana le pria d'arrêter.

- « Waban, il faudrait dormir. Nous avons beaucoup à faire demain. »

- « Dormir ? pourquoi ? cette expérience peut encore être améliorée. »

- « Expérience ? Mais de quoi parles-tu ? »

- « Aiyana ! Mais... qu'est-ce qui se passe ? ». C'était Waban qui venait d'entrer dans la chambre. Encore étourdi par la dose de somnifère que le dard avait répandu dans son corps, Waban se tenait dans l'encadrement, tenant à peine sur ses jambes. Aiyana écarquilla les yeux.

- « Waban ? Mais... je ne comprends pas... ».

Erevnitis se leva et reprit son apparence, sous les yeux horrifiés d'Aiyana qui poussa un cri mêlant stupeur et effroi. Erevnitis leva une main et le cri fut instantanément étouffé dans sa gorge. D'un geste, il émit une force qui plaque Aiyana dans le lit. Incapable de bouger ni de parler, Aiyana était impuissante face à Erevnitis. Elle implorait Waban du regard pour qu'il vienne la secourir. Celui-ci voulut l'aider et s'avança en titubant.

Erevnitis le plaqua contre le mur, face au lit, l'empêchant également de bouger et de parler.

- « Je n'ai pas terminé mon expérience. » dit Erevnitis d'une voix calme qui glaça le sang d'Aiyana.

Avec un large sourire, Erevnitis s'allongea sur Aiyana tout en regardant Waban dans les yeux. Fou de rage, Waban ne pouvait agir et regardait la scène, complètement désemparé.

Dans la souffrance et le sang, Aiyana subit les assauts d'Erevnitis. Après plusieurs heures, Erevnitis s'arrêta et relâcha son étreinte. Il avait recueilli suffisamment de données. Pourtant, il ne comprenait toujours pas le sens de ce qu'Exypnos avait décrit dans son carnet. Pourquoi l'amour était-il la clé ? La clé de quoi ?

Aiyana, totalement perdue dans une folie prête à la consumer tout entière, se leva et tenta de frapper Erevnitis qui, d'une seule main, lui brisa le cou.

Erevnitis libéra Waban qui se précipita sur le corps d'Aiyana. Il caressa doucement ses cheveux, essuyant de ses doigts le sel laissé par ses larmes.

- « Pourquoi ? » articula Waban dans un sanglot. « Mais, pourquoi Erevnitis ? Qui es-tu vraiment ? »

- « Je suis le chercheur. Je suis ici pour mener des expériences. Cette planète est vraiment très particulière et j'ai besoin de comprendre certaines choses, vois-tu ? ».

- « Mais pourquoi nous avoir fait ça ? Nous t'avons accueilli comme notre frère... ». Waban se releva, prêt à affronter Erevnitis. Peu lui importait de mourir en cet instant, puisque sa bien- aimée n'était plus.

Erevnitis sourit. Il enregistrait cette expérience, notant chaque détail. Le désarroi, la peur, la colère, la douleur, la frustration, le dégoût. Tout serait analysé.

- « Je sais ce que tu veux dire, Waban. Mais tout ceci n'a aucune importance. La seule chose qui importe, vois-tu, c'est la portée de mes expériences et leur compréhension pleine et entière ! J'en mènerai d'autres, bien évidemment, mais celle-ci m'a particulièrement plu. Merci Waban, j'ai beaucoup appris grâce à toi et Aiyana. »

Une larme coula le long de la joue de Waban. Ses yeux, noyés de tristesse, regardaient le corps inanimé d'Aiyana. Le seul amour de sa vie. Sa lumière s'était éteinte. Plus jamais il ne la ferait rire.

D'un geste sec, Erevnitis fit apparaître son arc, dans un nuage de fumée grisâtre. Il encocha une flèche extrêmement petite, dont la pointe acérée vint se loger en plein cœur de Waban. Celui-ci tomba à genoux. Sa bouche ouverte n'émit aucun son. Puis il s'écroula au sol, mort.

D'un souffle, Erevnitis fit disparaître les deux corps en les réduisant en poussière. Les murs se mirent à émettre un sifflement strident. On eut dit que des milliers de cris s'élevaient en une seule voix.

Erevnitis ressentait de la douleur dans ces cris. Étrange... Il nota cette nouvelle donnée puis il mit le feu à l'espace de vie d'Aiyana et de Waban et sortit dans la nuit.

Tandis qu'il s'éloignait de la ville, le son d'une cloche d'alerte lui parvint. Quelques instants plus tard, ce furent des cris.

Du haut de la colline, Erevnitis regardait les flammes qui montaient au-dessus de ce qui était, quelques instants plus tôt, le petit nid douillet d'Aiyana et de Waban.

Le feu dansait, prenant par moment une lueur bleutée, sans doute due aux petites bestioles qui se consumaient en même temps que l'habitat.

Erevnitis prit le chemin menant au vallon et disparut dans l'obscurité.

Déjà, il songeait à sa prochaine expérience.

L'amour ne lui avait pas apporté ce qu'il attendait. Il s'étonnait de ressentir une sorte de frustration, à l'image d'un enfant qui ne s'était pas autant amusé qu'il l'aurait souhaité avec un jouet tant espéré.

Demain, un autre village serait son nouveau terrain de jeu.