Exypnos : chapitre 7

Deux façons de lire...

Vous pouvez télécharger le chapitre ou le lire ci-dessous.

Rectification

R.E.S.E.T. m'avait conduite exactement où je souhaitais me rendre : au cœur du laboratoire où j'avais passé ces dernières années terrestres auprès de Flora.

Je me trouvais bien dans le laboratoire RFST, mais mon pôle avait changé. Impossible de récupérer mes notes ; elles n'étaient plus là, ni mes machines. Il n'y avait plus rien.

- « Je peux peut-être vous aider ? », dit une voix profondément moqueuse derrière moi.

Je me retournai, pleine de défiance. Un homme grand, barbu, me faisait face. Ses petits yeux vicieux semblaient me déshabiller et chercher quelque chose. Je reconnus l'homme. C'était celui sur la photo que j'avais découverte dans le laboratoire-sanctuaire d'Alexandre et Ouranos.

- « Voilà bientôt deux ans que vous avez disparu vous et Flora, et vous revoilà comme par enchantement ... Comment expliquez-vous ça ? ».

- « Deux ans ? ... ». R.E.S.E.T. manquait peut-être un peu d'exactitude finalement. A moins que pour modifier le passé il ne faille le faire dans un certain délai, au risque de manquer de précision. Il faudra que j'améliore ça. Mon étonnement passé, je relevai le menton pour défier cet inconnu.

- « Je n'ai rien à vous expliquer. Je ne rends de comptes qu'à Flora. »

- « Certes. » dit-il en s'approchant de moi, sa main caressant sa barbe. Il semblait me jauger, mais dans quel but ?

- « Suivez-moi dans mon bureau, nous serons plus tranquilles pour parler. J'ai beaucoup de questions, bien entendu, mais j'ai aussi des choses à vous faire voir. Elles vous intéresseront sûrement au plus haut point. Par ici. » Il me fit signe de l'accompagner vers ce qui était avant le bureau de Flora.

- « Lorsque Flora et vous-mêmes avez été portées disparues, nous avons retrouvé dans votre pôle vos affaires qui étaient par terre. Dans votre pardessus se trouvait un petit morceau de verre assez étrange.

Lorsque je l'ai analysé, je ne comprenais pas du tout à quoi j'avais à faire. Sa matière était inconnue et, soumis à mes tests, je vis qu'il avait les mêmes propriétés qu'un caméléon. Entre autres choses... C'était surprenant.

Que pouvait bien faire un tel élément dans votre poche ? ». Il continuait de me scruter, observant la moindre de mes réactions. Je restais impassible.

- « J'ai également trouvé vos notes, ainsi que vos deux machines d'expérimentation. Pour tout vous dire, j'avais peur d'ouvrir la boîte de Pandore en poussant mes recherches, mais tout ceci me passionnait.

Alors j'ai investigué... seul. Je ne voulais pas être pollué par d'autres sur mon sujet de recherche. Souhaitez-vous boire quelque chose ? »

- « Non, je vous remercie. »

Il se servit un verre de whisky et reposa la bouteille sur un plateau d'argent. La décoration du bureau de Flora avait bien changé. Tout y était plus masculin mais pour autant, le lieu conservait un aspect cocooning que j'aimais beaucoup.

- « Avant de trinquer à votre retour, j'aimerais prendre une photo pour marquer ce temps de retrouvailles. Installons-nous ici. »

Une colonne sortit de terre à l'autre bout de la pièce. Elle contenait un petit appareil qui commençait déjà à faire ses réglages. Il prit la pause et déclencha l'appareil. Le flash de lumière agressa mes yeux.

La photo qui trônerait dans le laboratoire-sanctuaire venait semble-t-il d'être prise. J'étais au cœur de la boucle temporelle. Il fallait que je sois très prudente pour ne pas risquer de perdre la ligne temporelle que je souhaitais suivre.

- « Asseyez-vous, je vous en prie. » Je pris place dans un fauteuil face au bureau.

- « Dites-moi, Sylveen, que s'est-il passé dans votre pôle ? Avez-vous réussi à mener à bien votre expérimentation ? Et savez-vous où est... Flora ? »

Lorsqu'il prononça son prénom, je sentis une légère pointe de dédain dans son intonation.

- « Que de questions... est-ce un interrogatoire ? » dis-je en minaudant.

Il sourit et s'amusa de ma réponse.

- « Non, vous avez raison. Partons sur de bonnes bases, voulez-vous ? »

J'acquiesçai d'un léger sourire forcé. Il se leva et entreprit d'ouvrir un petit coffre-fort. Il en sortit un calepin que je reconnus instantanément.

- « Ce sont vos notes, non ? »

- « En effet. » Je tendis la main pour prendre mon calepin mais il le recula vivement pour ne pas que je m'en saisisse.

- « Pas si vite, Sylveen. N'êtes-vous revenue que pour ces notes ? Elles doivent avoir beaucoup d'importance alors ... » dit-il en fixant le calepin.

- « Elles sont très importantes, mais vous le savez déjà. Qui êtes-vous ? Et pourquoi vous acharner à vouloir percer seul ce qui se cache derrière mon expérimentation ? »

- « L'intuition, très chère ! Je sens que j'ai là matière à une découverte exceptionnelle. Mon nom sera cité partout comme étant le précurseur du déplacement spatio-temporel ! Je deviendrai l'invité d'honneur des plus hauts comités. Je... »

- « Stop ! Arrêtez-vous là, vous me donnez la nausée. Vous ne serez jamais personne en volant les recherches des autres et en trichant pour vous faire prévaloir.

Votre vrai visage apparaîtra forcément tôt ou tard à la face du monde, ne vous leurrez pas. Tout le monde n'a pas la trempe pour être un héros. »

Il éclata d'un rire gras et féroce. Il se leva et fit le tour de son bureau pour se placer derrière moi. Il promena un doigt sur le dossier de ma chaise.

- « J'ai l'impression que vous n'êtes pas prête à accepter mon offre de travail pour des recherches en binôme. Il y a une chose que j'aimerais savoir... Quels rapports entreteniez-vous avec Flora ? » Je sentis son souffle sur ma nuque et un frisson me parcourut.

Il posa sa main à l'arrière de ma tête pour me caresser les cheveux. D'un bond, je me levai. Mon bras s'était transformé en lance. Celle-ci s'enfonça dans son corps mou avant qu'il n'ait pu émettre un son. Ses yeux s'agrandirent de surprise.

Sa bouche formait un O qui le faisait ressembler à un poisson hors de l'eau. Tandis que je retirai mon bras, il s'écroula par terre.

Je récupérai mon carnet et lavai le sang qui m'avait souillée. J'en profitai également pour récupérer le petit morceau de verre dans le coffre-fort resté ouvert. Mais où pouvaient bien se trouver mes machines ?

Je m'approchai de l'homme au sol, prêt à rendre son dernier souffle.

- « Où sont mes machines ? »

Il réussit à émettre quelques souffles perdus dans des gargouillis. Des bulles de sang se formèrent au coin de ses lèvres. Puis il poussa son dernier soupir. Son regard resta figé, perdu dans les limbes.

Je me concentrai sur mon environnement pour que chaque particule m'indique le chemin à suivre et me conduise à mes machines. Comme je levais une main, une légère brise se leva et m'indiqua la bibliothèque. Tandis que je m'approchai, la brise tourbillonna sur elle-même, se faisant micro-tempête dévastatrice. Elle creusa un trou dans la bibliothèque, ce qui découvrit un panneau masqué.

Je dégageai l'emplacement pour atteindre mes machines. Elles étaient là toutes les deux. Un instant, je restai interdite, me rappelant mes dernières secondes près de Flora.

Je posai mes mains sur mes deux machines. Une forte chaleur irradiait de mes doigts. En quelques instants, mes machines ne ressemblèrent plus qu'à un amas de métal fondu.

Je regardai mon calepin. En son centre se trouvait une petite photo de Flora avec, au dos, un mot écrit à la main : énergie !

Je souris en repensant à sa signification. Avec Flora, nous aimions beaucoup regarder Star Trek, essentiellement lorsque le téléporteur se mettait en action. Et au moment où le capitaine disait « énergie ! », nous prononcions ce mot à l'unisson et partions dans un fou rire plein de bonheur.

Je n'avais pas le cœur de m'en séparer. Je décidai donc de l'emmener avec moi, ainsi que le petit bout de verre étrange qui avait dû être étudié sous tous les angles par l'homme qui baignait désormais dans son sang. Peut-être prendrai-je le temps un jour de l'étudier plus en détail. Mais là, le temps pressait.

Alexandre avait parlé de plans, mais je n'en trouvais aucune trace. Il fallait que je les cherche et que je les trouve également. Je sortis du bureau qui pour moi resterait à jamais celui de Flora. J'étais triste de l'avoir sali du sang de cet homme et je me rendis compte à cet instant que ma transformation était incomplète. Jamais la colère n'aurait dû transformer mon bras en lance, surtout pour tuer aussi facilement. Je n'avais pas encore atteint le niveau de maîtrise nécessaire à mon ultime régénération.

Tandis que la porte du bureau se refermait automatiquement derrière moi, masquant la scène violente qui venait de s'y dérouler, un ancien collègue me vit et s'approcha.

- « Sylveen ! Tu es là ! Venez tous ! » cria-t-il. « Sylveen est revenue ! ».

Telles des marmottes étonnées émergeant de leur trou après un violent orage, d'autres collègues sortirent de leur pôle pour nous rejoindre et voir ce qui se passait. Certains me connaissaient et vinrent me serrer dans leurs bras. D'autres, étonnés, me saluèrent de loin tout en chuchotant avec d'autres collègues, ou vinrent me serrer la main.

Il fallait que je m'explique rapidement, pour qu'ils sachent, qu'ils comprennent ... Mais quels mots choisir ? A en croire le récit d'Alexandre, je n'avais pas su trouver les bons. J'espérais cependant ne pas trop interagir avec l'espace-temps d'Alexandre et Ouranos, car j'espérais les revoir, ainsi que le petit bout de paradis pour lequel j'avais œuvré.

Tandis que je me lançai dans mon petit discours, un petit point rouge clignotait toujours sur l'œil d'une caméra située à l'angle du couloir.

« Mes amis, il s'est passé beaucoup de choses durant mon absence. Et j'ai bien conscience que ma présence ici et maintenant vous apporte beaucoup d'interrogations. Sachez que l'homme qui a voulu prendre la place de Flora n'est plus. » Tandis que je prononçai ces mots, je pointai du doigt le bureau de Flora. Un murmure parcourut l'assistance. Allaient-ils faire de moi une simple meurtrière ? En tout cas, j'avais capté leur attention.

« Après avoir volé à Flora et moi-même le fruit de nos recherches, non seulement il ne vous a pas tenus informés de la nature des travaux qu'il a menés seul dans le plus grand secret, mais il a voulu transformer nos expériences au risque de mettre fin à toute l'humanité. » Mes collègues se regardaient, incrédules.

Celui qui avait rameuté tout le monde dit : « Mais vous avez réussi ? Avec Flora, vous avez voyagé dans un autre espace-temps, n'est-ce pas ? » Certains, suspendus à mes lèvres, me jetaient des regards pleins de curiosité. Je poussai un soupir et repris mon discours.

« Je vous en conjure, ne continuez pas en ce sens. Cherchez au contraire à trouver le moyen d'améliorer tous ensemble votre condition ici et maintenant. Les autres nations ne sont pas vos ennemis. Intégrez-les dans vos groupes de travail. Ne faites rien qui puisse conduire l'humanité à sa fin en voulant à tout prix trouver d'autres moyens de vivre mieux ailleurs.

C'est ici et maintenant que vous devez œuvrer ensemble à la vie. »

J'espérais que mon message avait été suffisamment clair. J'en avais terminé ici et maintenant. Je me frayai un chemin et me dirigeai vers la porte quand les Cerbères jaillirent. Ils me bloquèrent le chemin. Je leur souris une dernière fois.

- « R.E.S.E.T., ramène-moi s'il te plait. ». Mon corps s'évapora avant que quiconque ne puisse réagir.

Quasi instantanément, je me retrouvai dans la cité suspendue dans les nuages.

Près de R.E.S.E.T. se trouvait une frêle silhouette ... Flora !

- « Oh merci R.E.S.E.T. d'avoir ramené Flora ! » Je m'avançai. Nous échangeâmes un regard plein de tendresse. Puis nous tombâmes dans les bras l'une de l'autre. J'avais réussi ! Nous avions réussi !

- « Flora ! Comment vas-tu ? Il faudra absolument que tu me racontes ce que tu as vécu car de mon côté, j'ai énormément de choses à te dire... Mais, il me reste une dernière chose à faire avant que nous puissions profiter pleinement de nos retrouvailles. C'est très important. Veux-tu m'accompagner ? »

- « Bien sûr, Sylveen. Où vas-tu me conduire cette fois ? ». Ses yeux étincelaient de malice.

- « J'ai promis à un homme et à un gamin de revenir pour les aider à finaliser leur Paradis ... je veux savoir comment ils s'en sortent. »

- « Hmmm, ça me paraît très sympa comme programme ! De toute façon, je te suivrais n'importe où, tu le sais bien. Allons-y ! ».

Avant de partir, je laissai mon calepin et le morceau de verre étrange à R.E.S.E.T.

- « Conserve-les pour moi, veux-tu ? »

R.E.S.E.T. absorba les deux objets, qui disparurent à l'intérieur de lui.

Flora ne pouvant pas encore voyager comme moi dans les inter-espaces, R.E.S.E.T. matérialisa ma capsule spatio-temporelle.

Nous prîmes place à bord, nous serrant l'une contre l'autre.

- « Ici et maintenant, l'expression 'être aux anges' prend tout son sens » dit Flora.

Éclatant de rire, je refermai la capsule.

- « R.E.S.E.T. m'a un petit peu parlé de toi. » dit-elle en me faisant un clin d'œil.

Je lui souris en retour et adressa un regard interrogatif à R.E.S.E.T. qui ne prit pas la peine de me donner la moindre explication.

- « Nous sommes prêtes, R.E.S.E.T. Conduis-nous. Et cette fois, au bon endroit et au bon moment, d'accord ? ».

R.E.S.E.T. programma notre trajectoire.

J'espérais qu'Alexandre et Ouranos avaient bien avancé dans leur projet.

Je n'allais pas tarder à découvrir la vérité.