Exypnos : chapitre 8

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Rédemption

Nous arrivâmes toutes les deux là où j'avais recréé le jardin, le petit paradis d'Alexandre et Ouranos. A ma grande satisfaction, tout était bien là.

Le jardin s'était bien développé et le dôme protecteur devenait bien trop petit pour accueillir toute la vie qui s'y était développée. Flora était époustouflée.

- « Eh bien, tu as bien œuvré dis-moi ! »

- « Et ce n'est qu'un début ! Alexandre veille sur le patrimoine génétique de la plus grande majorité des espèces qui ont vécu ici avant que tout ne soit balayé. Enfin, j'espère que tout est bien toujours conservé dans les sous-sols du laboratoire... Nous allons y jeter un œil. »

- « Incroyable ! Et tu vas tout refaire ? »

- « Non, pas forcément. Je verrai ce qu'attendent Alexandre et Ouranos.
Ah, justement, les voilà ! » Alexandre et Ouranos sortaient en effet du laboratoire.

Ouranos courut vers moi. Il me serra dans ses bras.

- « Mais, tu as grandi depuis ma venue ! » lui dis-je d'un ton amusé.

Ouranos rit de bon cœur. Ses yeux noirs étincelaient. Flora semblait comme envoûtée par cet enfant à la fois si plein de vie mais dont le regard paraissait infiniment sombre et aussi profond que l'espace.

Alexandre nous tendit ce qui ressemblait à un abricot.

- « Goûtez ! ». Nous prîmes un fruit et le portâmes à notre bouche. Mes yeux se fermèrent pour mieux ressentir le plaisir de cette saveur incroyablement parfumée.

- « C'est délicieux ! » Flora poussa un grand hmmmmm de plaisir qui fit rire tout le monde.

- « Rentrons. Je vais vous faire voir où j'en suis. Avec Ouranos, nous avons commencé à sélectionner les espèces à réintroduire en premier dans notre nouveau petit paradis. »

- « Oui », dit fièrement Ouranos, « des poissons pour le moment. »

- « Très bien, voyons ça. »

Alexandre nous expliqua durant des heures ses avancées. La mise en place de bassins-couveuses, la création d'une nourriture adéquate pour ses futurs pensionnaires, etc.
A priori, mon discours dans le passé n'avait rien changé au futur d'Alexandre et Ouranos, mais finalement, j'étais bien trop heureuse de les retrouver pour avoir le moindre regret. Après tout, si j'avais impacté le passé par mes actes, rien ne pouvait présumer que le futur n'aurait pu être pire.

- « Vous devez être fatiguées. Nous reprendrons demain, voulez-vous ? »

Flora et moi acquiesçâmes, masquant de justesse un bâillement communicatif.

La nuit fut courte mais réparatrice. Une bonne odeur de café nous réveilla.

Je sortis pour admirer le lever du soleil, tandis que Flora parlait de l'imprimante à protéines avec Alexandre. Ouranos était assis dehors à contempler le jardin. Je le rejoignis. Il me sourit.

- « Es-tu heureux, Éxypnos ? ... »

Je restais bouche bée.

- « Comment m'as-tu appelée ? »

- « Éxypnos, c'est ton nom premier, n'est-ce pas ? »

- « Mais... comment ? ... »

Ouranos me souriait. Dans ses yeux sombres apparaissaient à présent des étoiles, des comètes, des soleils. Dans son regard qui me captivait, tournaient de petites galaxies qui s'entrecroisaient.

- « Tu es... le Premier Créateur ? » dis-je dans un souffle. Il sourit encore.

- « Et tu es mon Liminaire Aggelos ».

- « Mais alors, tu ne nous as pas vraiment abandonnés ? »

- « C'est exact. Pour mieux observer ce que chacun décidait de prendre comme chemin, j'ai pris la place de ce que les humains appellent l'espace. Et je dois dire que je m'y sens plutôt bien. L'endroit est calme et reposant. Je peux méditer tranquillement sur tout ce que j'observe. Car il y a énormément de choses à contempler vois-tu, depuis le cosmos. » Je lui souris à mon tour mais une vague de tristesse traversa mon regard.

- « Tu étais là, à étudier cette planète, et tu l'as laissée se vider de ses habitants et de toute son âme ? J'ai du mal à comprendre... Pourquoi ? ».

- « Vois-tu, il est parfois nécessaire, pour que les choses évoluent, de laisser se mettre en place des éléments qui peuvent paraître totalement inutiles, défaillants, voire irresponsables. Certes, cette planète avait atteint un paroxysme de beauté dans la multitude de vies qu'elle abritait. Et pourtant, l'être humain ne s'en est pas satisfait.

Il a répandu dans les eaux des plastiques et des substances qui ont étouffé les océans et les rivières ; il a pollué l'air qu'il respirait, décimé la moindre vie dans la terre sur laquelle il vivait. Il a rendu malade des milliards d'individus en voulant jouer à Dieu et en transformant l'ADN. Des microparticules de plus en plus nombreuses se sont retrouvées intégrées aux organismes, les dénaturant totalement.

La nature n'a fait que balayer tout ce fatras d'inepties. Je ne suis pas là pour intervenir sur le chemin que prend la vie mais pour veiller à ce que l'étincelle de vie se régénère. Ton rôle était de les guider au mieux sur les chemins de l'évolution, t'en souviens-tu ?

En créant R.E.S.E.T., tu pensais te soustraire à ce qui te déplaisait le plus : continuer à guider l'humanité sur des chemins qui n'atteindraient jamais la perfection. Mais l'ensemble de ta tâche était nécessaire. Je dirais-même, essentielle par certains côtés. Et tu t'en rends compte aujourd'hui.

R.E.S.E.T. a fait ce qu'il a pu en attendant ton retour.

Cependant, il était intéressant de voir jusqu'où irait cette soi-disant humanité et vers quoi elle allait évoluer sans tes interactions ni mon soutien. A la base, nous savions très bien que le chemin serait long, voire que l'humanité n'atteindrait jamais la perfection vers laquelle nous souhaitions la guider.

Mais qu'est-ce que la perfection finalement ? Peut-être n'était-ce qu'un rêve de plus à notre actif ? Ce que nous souhaitions à l'origine pour cette humanité a évolué vers des choses auxquelles nous n'aurions même pas pensé. En quoi cette évolution est-elle imparfaite ? »

- « C'est donc... de ma faute ! Tout ce gâchis ! » une larme coula le long de ma joue. Le Premier Créateur la toucha du bout du doigt et aussitôt, elle se transforma en une poussière d'étoiles qui dansa quelques secondes puis s'évanouit dans le ciel.

- « Oh, ce n'est pas tout à fait de ta faute. L'évolution, quelle qu'elle soit, est inéluctable. Mais tu approches du but : la rédemption finale !

Mais tu dois pour cela renouer avec toi-même et retrouver le rayonnement premier. Il forme un tout et tout est lié. Mais ça, tu le sais déjà. Cette divergence, dont la terre a été le foyer initial, est illimitée dans tout l'univers et se retrouve à différents degrés que tu découvriras par toi-même.

Si tu le souhaites, je peux t'aider à finaliser ton parcours. Pour cela, tu dois répondre à une seule question. »

Je me préparai à quelque chose de difficile et pris une grande inspiration pour me concentrer. Il me posa sa question : « Quelle est la clé de la création ? »

Flora sortit à ce moment-là pour admirer à son tour la vue sur le jardin. Elle était magnifique. Nos regards se croisèrent.

- « L'amour » répondis-je sans hésitation.

Ouranos rit de bon cœur.

- « Tu es prêt, assurément ! »

- « Eh, ça va tous les deux. Qu'est-ce que vous complotez ? » nous lança Flora en s'approchant.

Une citation de Martin Luther King me revint à l'esprit :

- « La noirceur ne peut pas chasser la noirceur. Seule la lumière peut le faire. La haine ne peut chasser la haine. Seul l'amour le peut. »

- « Oh, mais tu es d'humeur poétique ce matin. » me dit Flora avec un grand sourire.

Ouranos se leva pour rentrer.

- « Commençons par prendre notre petit déjeuner. Ensuite, nous débattrons. »

- « Tu parles comme un sage ! Pour un enfant, c'est étonnant. » dit Flora en me prenant par la taille. Ouranos me fit un clin d'œil et je souris.

Le déjeuner fut animé d'une discussion très philosophique. Flora s'interrogeait sur qui était vraiment Ouranos et celui-ci semblait beaucoup s'amuser de leurs échanges.

A peine le petit déjeuner avalé, Ouranos demanda à Flora : « As-tu envie de continuer à évoluer aux côtés de Sylveen ? »

- « Plus que jamais ! Je pense que nous l'avons bien mérité, non ? »

- « On ne mérite pas l'amour. On est l'amour. Ou on n'est pas. Il te reste beaucoup de chemin à faire et tu devras accomplir des choses que tu n'imagines pas encore. »

- « Je sais au moins une chose Ouranos : ce chemin, je veux le suivre aux côtés de Sylveen. Et rien ne saura m'en détourner. »

- « Parfait. Mais sais-tu qui est réellement Sylveen ? »

- « Eh bien, c'est ma compagne, c'est mon ange à moi ! » dit-elle en riant.

- « Et tu as parfaitement raison ! Enfin, à quelques détails près. Les anges n'ont pas de structure corporelle fixe, ni de sexe défini, vois-tu. Mais bon, ce n'est pas important.

Ce que vous créerez à partir de vous sera fait d'une matière nouvelle et dans une forme qu'il vous appartiendra d'imaginer ensemble comme étant votre accomplissement.

Éxypnos, Liminaire Aggelos, es-tu prêt à créer ton nouveau monde, tel que tu l'imagines et le voulais, ta représentation de la perfection, à partir de toi, en compagnie de Flora et en parfaite harmonie avec elle ? »

- « Oui, je suis prête. »

- « Qu'il en soit ainsi ... »

Flora lévita à quelques centimètres du sol. Une sorte de nuage opaque commençait déjà à l'entourer.

- « Merci Premier Créateur. »

- « Va ... je passerai voir comment vous évoluez, là où vous aurez décidé de créer votre renouveau. »

Je rejoignis Flora. Le nuage m'enveloppa à mon tour, puis tout disparut autour de nous. Nous étions transportées au creux d'une sorte de tube dont les parois vibraient en nous renvoyant une douce musique.

Notre voyage débutait. J'étais heureuse. J'avais réussi.

Inspirer ... Expirer ...

Flora se cala sur ma respiration et nous fusionnèrent dans un rayon lumineux qui nous déposa à l'autre bout de l'univers.

Et tout recommença, à partir de nous, d'un atome commun, unique, nouveau.

Une étincelle jaillit. La lumière enfla et s'étendit.

Et la vie trouva son chemin.
Une partie de cette vie s'anima. Une autre resta inanimée.

Et le cercle se recréa.

~

Dans un autre espace, R.E.S.E.T. attendait le retour d'Exypnos.
En attendant, il commença à étudier le morceau de verre étrange...