Anecdote intérieure

L'optimiste

Création de Sylveen S. Simon – mars 2025 – image réalisée avec le créateur d'images de
Microsoft Designer – https:// www.bing.com/images/create

Téléchargez cette anecdote intérieure, mes créations visuelles et le texte pour en savoir plus :

         ou découvrez le texte seul ci-dessous :

Une nuit, sous un ciel criblé d'étoiles, Ania entendit des explosions résonner au loin. Sa mère, le visage grave, lui murmura : « Pars, ma chérie. Va chercher un endroit sûr pour toi et les enfants du village. Tu es notre espoir. » Les larmes aux yeux, Ania prit un petit sac contenant quelques affaires, une miche de pain et de la viande séchée, un couteau, une lampe-tempête et un vieux livre de contes. Elle embrassa sa mère, gravant cet instant dans son cœur, et s'éloigna dans l'obscurité avec les enfants. Tous portaient le même petit balluchon, emportant avec eux quelques vivres, des couvertures et de quoi faire du feu et survivre quelques jours, et pour certains, leur doudou préféré.

Ania et les enfants marchèrent des heures durant, leurs pieds foulant des champs déserts et des rivières gelées. Elle leur fit longer une colline où ils finirent par faire une pause. En cherchant un peu de bois pour allumer un feu, elle découvrit l'entrée d'une grotte immense. Intriguée, elle entra. La grotte était sombre mais relativement grande. Cela pourrait leur faire un abri sûr. A la faible lueur de la lampe, les murs semblaient lui raconter des histoires : des batailles transformées en danses, des larmes devenues rivières scintillantes, et des peuples unis par l'amour et l'espoir. Plus Ania avançait, plus elle se sentait enveloppée par une chaleur apaisante.

Elle sortit pour aller chercher les autres enfants. Tous entrèrent en silence et ressentirent bientôt le calme apaisant des lieux. Alors qu'Ania ouvrait la marche et s'avançait dans les profondeurs de la grotte, sa lampe projeta des ombres dansantes sur les murs. Tout à coup, un bruissement résonna au-dessus de sa tête, et une nuée sombre passa près d'elle. Effrayée, elle recula brusquement, son cœur battant à tout rompre. « Des chauves-souris ! Baissez-vous et ne faites pas de bruit ! » murmura-t-elle en se plaquant contre la paroi. Leur vol rapide et silencieux, à peine éclairé par sa lampe, lui faisait imaginer des créatures menaçantes. Elle tremblait, se sentant seule et vulnérable.

Quelques très jeunes enfants commencèrent à pleurer. « Chut… calmez-vous… restez baissés et suivez la paroi. » Tandis qu'elle observait plus attentivement, elle remarqua que les chauves-souris, pas plus grandes que la largeur de sa main, ne faisaient que virevolter doucement, comme des ombres dans un ballet aérien.

L'une d'elles s'approcha d'Ania, battant des ailes avec une certaine douceur, comme pour la rassurer. Ania se rendit compte qu'elles ne lui voulaient aucun mal. Elles aussi vivaient dans l'obscurité, cherchant un refuge comme elle. « Vous n'êtes pas si effrayantes, finalement, » murmura-t-elle avec un léger sourire. Le calme revint.

La petite troupe poursuivit courageusement son chemin dans la grotte qui s'étirait sur plusieurs kilomètres. C'est alors qu'ils tombèrent sur une autre scène : un lièvre au pelage argenté bondissait frénétiquement entre les ombres, poursuivi par un renard aux yeux brillants. Son instinct poussa Ania à protéger le lièvre. Elle sortit son couteau et cria aussi fort qu'elle put. Le renard, surpris, s'éclipsa dans les ténèbres. Le lièvre, haletant, fixa Ania avec de grands yeux doux. À cet instant, elle sentit une connexion entre eux, tous deux étant en quête de sécurité et de paix. Ania tendit la main, et le petit animal vint se blottir contre elle. Ania chuchota doucement au lièvre : « Nous fuyons tous des dangers que nous ne comprenons pas toujours. Mais tu as trouvé un abri, et nous aussi. Peut-être qu'un jour, nous n'aurons plus besoin de courir. »

Quelques enfants s'approchèrent pour caresser le lièvre. Ensemble, ils se reposèrent un moment, partageant une chaleur réconfortante. Ania avait la sensation que chaque rencontre, chaque instant vécu ici lui enseignait quelque chose. Même dans la peur et la fuite, il y avait des moments de solidarité, de réconfort, et la promesse qu'un avenir plus radieux était possible.

Quelques heures plus tard, le petit groupe reprit sa marche.

Alors qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans la grotte, ils se retrouvèrent face à un lac souterrain, aussi clair qu'un miroir. Ania s'approcha et remplit sa gourde. L'eau était fraiche et pure. Elle invita chacun à faire de même.

Ania s'assit sur un rocher et regarda l'eau. Perdue dans ses pensées, elle commença à voir à sa surface différentes scènes s'y dérouler comme dans un rêve en accéléré : le règne de Volodymyr le Grand, puis celui de Iaroslav le Sage bâtissant la porte dorée de Kyiv. Puis des luttes de pouvoir et Kyiv saccagée par le prince de Vladimir. Enfin, les visages des Tatars et des Mongols furent remplacés par des visages familiers : sa mère, ses amis, son village… ils souriaient, libres et en paix. La voix douce de sa mère résonna dans sa tête et son cœur se mit à battre plus fort : « Ania, cette grotte est un refuge pour ceux qui croient en l'espoir. Tant que tu garderas cette précieuse espérance vivante, tu seras une lumière pour les autres. »

Inspirée, Ania décida de rester un moment dans la grotte pour reprendre des forces et s'assurer ainsi que tout le groupe restait en sécurité. Ils installèrent donc un bivouac de fortune autour du lac, où la température restait douce et constante. Ania ouvrit son livre de conte et raconta une histoire. Les enfants, épuisés, s'endormirent.

Le lendemain matin, à l'aide de son couteau, Ania grava sur un mur de la grotte un message :

Même dans les ténèbres, il existe un chemin lumineux.

Bienvenue dans la grotte Optimiste !

Quelques semaines plus tard, lorsqu'Ania et les enfants trouvèrent la sortie de la grotte, la petite troupe portait en elle une force nouvelle. La guerre pouvait bien leur voler leurs maisons, elle ne pourrait pas détruire l'espoir qui s'était enraciné en eux.


Cette nuit, j'ai rêvé de cette grotte sans la connaître, et il est étrange de voir la résonnance de l'histoire de ce lieu avec les faits qui se déroulent aujourd'hui en Ukraine. Ce ne sont plus les mêmes personnes ni les mêmes noms de peuples qui s'opposent, mais mon sentiment en me réveillant de ce songe étrange est que l'histoire se répète sans cesse, produisant à l'infini des Volodymyr et des Vladimir, provoquant destructions et reconstructions, migrations de populations, souffrance d'enfants… Cela renforce à jamais la résilience et cet optimisme indéfectible en l'avenir, propre à celles et ceux qui portent en eux la lumière et la valeur d'une vie en paix. Cela nous éclaire également sur ce qu'ont pu vivre nos ancêtres. Et cela nous interroge constamment sur ce que nous ferions ou aurions fait si nous avions été près d'eux.

Je vous souhaite à nouveau de beaux et doux rêves en d'infinies possibilités…

Sylveen S. Simon
Les écrits de Sylveen - Anecdote intérieure : L'Optimiste - Le 22 mars 2025