Fanfiction

Le Chevalier Noir du futur


La poubelle indiqua qu'elle était pleine. L'androïde glissa sans bruit jusqu'à elle et s'en saisit. Il se dirigea vers la porte arrière et la fit passer au travers de ce qui aurait pu être une chatière, si les chats n'avaient pas tous disparu depuis longtemps... La chatière électronique autorisa le passage de la poubelle tandis que le robot se dirigeait vers la clôture pour faire une ronde de routine. Il transvasa ensuite le contenu de la poubelle dans le container prévu à cet effet. Celui-ci serait ensuite ramassé par une équipe de robots-éboueurs et son contenu se verrait recyclé ou transformé en unité de chauffage.

L'automate sophistiqué prénommé Al emporta ensuite la poubelle vers la zone de nettoyage située près du cabanon, au fond du jardin. Il fit entrer la poubelle dans le bloc de lavage et referma le battant. Celle-ci fut totalement propre en quelques minutes. Al attendit résolument que le séchage soit terminé et récupéra la poubelle, puis il se dirigea à nouveau vers la chatière. Les quelques mètres qui le séparaient de la maison suffirent à l'intrus pour se glisser dans la minuscule rainure située entre le couvercle et la poubelle. Al ne vit pas la mouche électronique qui se plaqua contre le joint avant de voir ses fonctions totalement désactivées. La chatière électronique ne détectant aucune anomalie, l'androïde et sa poubelle furent autorisés à entrer dans la demeure.

Al redéposa la poubelle sur son réceptacle et repartit vaquer à ses occupations de majordome. Quelques instants plus tard, la mouche espionne fut réactivée par son mystérieux propriétaire et s'envola discrètement pour rejoindre l'autre pièce. Une voix d'homme émanait du salon. Celle-ci était profondément douce et avait des effets quasi narcotiques sur la femme qui se tenait à ses côtés.

La mouche espionne se posa non loin d'eux, sur le bras du canapé. Ses yeux captaient, au travers de ses deux fois vingt mille ommatidies, tout ce qui se passait dans la pièce. Chacune de ces quarante mille facettes enregistrait puis transmettait l'ensemble des données recueillies.

L'homme continuait à parler doucereusement, emplissant progressivement l'âme de la femme de ses onctueuses pensées, mielleusement délivrées. La femme semblait hypnotisée, totalement captivée par cet ensorceleur au magnétisme débridé.

Un claquement sec stoppa net ce doux échange. Al venait d'écraser la mouche espionne. Tout en récupérant délicatement l'indiscrète, il lança son programme d'analyse. Quelques secondes plus tard, il se dirigea vers l'homme et lui tendit le corps en pièces de la barbouze.

  • Monsieur, il semblerait qu'un intrus se soit glissé à notre insu dans l'espace intérieur. Souhaitez-vous que je mette en place un programme de détection renforcé ? dit Al de sa voix mi métallique, mi enfantine.

L'homme observa les restes de la mouche espionne.

  • Ça ne sera pas nécessaire, Al. Merci. Assure-toi simplement de détruire la totalité de ce qu'il reste de cet intrus et de lancer une procédure de nettoyage approfondie. Et si tu en trouves d'autres, tu sais ce que tu as à faire…
  • Oui Monsieur. Je m'en occupe.
  • Parfait ! Ma chère, dit l'homme en s'adressant à la femme qui semblait avoir été réveillée par un cauchemar. Je vous invite à prolonger cette réflexion devant un verre de Bourgogne. Etes-vous plutôt Pinot noir ou Chardonnay ?
  • Chardonnay blanc. répondit dans un sourire la femme qui sortait à peine de sa torpeur.
  • Très bien. Al, apporte-nous un Meursault blanc premier cru Clos des Perrières de 1959, avec une terrine de truite aux amandes et des toasts s'il te plait.
  • Oui Monsieur. Dois-je synthétiser deux verres ou une bouteille ?

L'homme sourit à la femme et tout en lui déposant doucement un baiser sur le front, répondit :

  • Une bouteille de 50 centilitres fera l'affaire.
  • Très bien Monsieur.

Al se dirigea vers la cuisine et programma le synthétiseur. Quelques secondes plus tard, la bouteille commandée apparaissait sur le plateau. Il la retira et programma ensuite sa commande pour les accompagnements.

Il prépara un plateau argenté où il déposa deux calices à Bourgogne ainsi que la bouteille débouchée. Il s'assura que le vin était bien à la température attendue puis il ajouta à côté la terrine de truite aux amandes délicatement présentée sur une assiette en porcelaine blanche, ainsi qu'une corbeille contenant des toasts tièdes. Il se dirigea ensuite vers le petit salon où il déposa le plateau sur la table en verre située face au canapé, flanqué d'une épaisse carpette en poils blancs synthétiques du plus bel effet.

De l'autre côté de la pièce, l'homme présentait à la femme un nouveau décor accroché au mur, récemment acquis lors d'un gala de bienfaisance. Une cascatelle artificielle, claquemurée dans un cadre éburnéen, gazouillait dans un doux friselis ; celui-ci rappelait la mélopée de la Nature d'autrefois, dont la fraîcheur et la pureté faisait naître les plus beaux rêves d'aujourd'hui.

Les deux humains vinrent s'installer dans ce cocon immaculé. L'homme servit un peu du nectar dans chacun des verres et en tendit un à la femme. Ses yeux légèrement maquillés et enamourés restaient accrochés à ce visage ténébreux, se délectant de pouvoir le caresser du regard. Cet homme, empreint de vénusté, faisait naître en elle ce sentiment vernal qui pourrait bien la conduire à faire d'horizontales folies, lovée contre son corps. Sa présence vulnéraire lui était bénéfique, au point qu'elle en oubliait son douloureux passé.

Ces dernières années, elle menait une vie d'ascète, se contentant de journées austères qu'elle traversait seule et qui se terminaient invariablement par des nuits sans rêves. Mais depuis qu'elle avait fait la connaissance de Bruce, ses songes étaient devenus beaux, tendres, parfois torrides et toujours pleins d'espoir.

  • Bruce, je tenais à vous remercier pour tout ce que vous faites pour moi et…
  • Julie, je vous en prie. Je…

Bruce sembla soudain moins confiant, presque hésitant. Sa vie secrète l'autorisait-elle à s'engager dans une vie de famille et à aimer pleinement une personne qui pourrait être en danger à cause de lui ? Julie reposa doucement son verre sur la table et se pencha pour l'embrasser. Bruce recula imperceptiblement, tel un étalon pas tout à fait prêt à être approché. Julie prit son visage entre ses mains pour déposer un baiser sur ses lèvres. Ils étaient à quelques millimètres l'un de l'autre lorsqu'une sonnerie retentit. Bruce se releva d'un bond, tandis que Julie se cala contre le coussin du canapé. Elle poussa un long soupir qui en disait long sur cette interruption d'une vulgarité sans nom.

  • Al, qui est-ce ?
  • C'est votre ami James…
  • Fais-le entrer.
  • Bien Monsieur.

Le commissaire James Gordon entra dans la pièce.

  • Jim ! Que me vaut cette visite impromptue ?
  • Désolé Bruce, mais… j'ai une affaire sur les bras un peu… compliquée.
  • Oh, je vois. Commissaire James, puis-je vous présenter Julie ?
  • Madame… ravi de vous rencontrer.
  • Je suis enchantée de faire votre connaissance, commissaire, mais je dois vous laisser. Bruce, nous nous verrons demain au vernissage ?
  • Oui, bien sûr… à demain Julie. Al, peux-tu commander un taxi pour Julie s'il te plaît ?
  • Je m'en occupe immédiatement Monsieur.

Après un dernier regard brûlant pour son preux chevalier, Julie s'éclipsa. Elle se demandait ce que le commissaire pouvait bien attendre de la part de Bruce. Plus le temps passait, plus le doute l'assaillait sur qui il était vraiment.

Le taxi arriva et la conduisit jusqu'à chez elle, à l'autre bout de Gotham. Elle entra dans son appartement et referma la porte. Lorsqu'elle se retourna, elle étouffa un cri. Vêtu d'un long cafetan rouge sang, une sorte de chanoine lui faisait face. Ses yeux semblaient animés de pensées machiavéliques.

  • Bonsoir, Julie… dit-il d'une voix grinçante.

Dans la demeure de Bruce, Jim expliquait ce à quoi il était confronté depuis quelques jours. Deux corps avaient été retrouvés sans vie. A la base de leur cou, une étrange morsure laissait penser qu'un vampire les avait attaqués.

  • Il leur manquait les trois quart de leur sang, mais de là à penser qu'un vampire sévit dans les rues de Gotham City…

Bruce semblait perplexe.

  • En effet. Je vais voir ce que je peux faire, Jim. On se tient au courant.

Al raccompagna l'invité surprise jusqu'à la porte.

Lorsqu'il revint au salon, Bruce avait disparu.


Notes de l'auteur :

J'ai écrit ce texte il y a presque trois ans maintenant … comme le temps passe !

Lors de l'atelier des confinés animé par Anthony Lebourg, 10 mots m'avaient été imposés et j'étais partie dans un petit délire avec l'univers de Batman.

J'en étais restée là, laissant ce texte dans mes cartons virtuels, jusqu'à ce que Anthony Grosset crée des visuels époustouflants sur Batman. Le fan art n'a aucune frontière et c'est ce que j'adore !

J'ai donc ressorti ce texte de son dossier afin de vous le présenter, en mettant en avant les visuels de Neural_Dreamer.

J'espère ainsi vous offrir toute l'évasion escomptée. 

Pour en savoir plus, téléchargez le texte ci-dessous :