Fragment
Le paradis vert



Pour cette écriture, je suis partie des trois photographies que vous voyez ici.
Bonne découverte !
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Malgré
toute la beauté des choses qui nous entourent, nous pouvons parfois manquer de courage
ou de force pour continuer à avancer.
M'isoler pour me ressourcer au sein d'un
îlot de verdure a toujours été pour moi la solution la plus naturelle et
efficace qui soit.
Loin du brouhaha des humains et de leurs sales habitudes qui
consistent à blesser, ravager, détruire...
Voulez-vous tester ?
La
première chose à faire est alors de respirer à pleins poumons cet air chargé de
senteurs printanières, telles des promesses d'avenir, et d'ouvrir les yeux sur
ce qui souvent n'est plus visible que dans le regard d'un enfant qui s'émerveille
encore du vol d'un insecte, d'un rayon de soleil qui danse au travers des
branches des arbres qui se balancent nonchalamment.
Rester jusqu'à s'abasourdir
des couleurs paisibles du paysage environnant, patchwork de verts, de jaunes et
de rouges des feuillages qui se balancent au gré des brises légères.
Imaginer
tout ce monde minuscule qui fourmille et joue à cache-cache au creux des
arbres, entre leurs racines ou sous le chapeau de champignons délicats.
Ressentir
enfin la quiétude du lieu et se laisser bercer par la mélodie du vent et le
chant des oiseaux tout proches.
Mais
ce paradis vert ne m'est plus accessible qu'à partir d'une image qui défile,
imperturbable au milieu d'autres images d'une nature incroyablement belle et
préservée, remplissant ainsi l'immense mur blanc qui fait face à mon canapé.
Je les regarde qui s'affichent puis disparaissent, dans un incessant ballet suspendu au paramétrage de mon diaporama.
Une
pelouse ombragée apparaît. Bordée d'arbres dont le feuillage varie du rouge
profond au vert tendre, en passant par des verts plus intenses et des jaunes
éclatants baignés de soleil. Au premier plan, un carré flanqué d'une petite
bordure en bois de dix centimètres de haut, laisse apparaître quelques tulipes
d'un rouge profond qui semblent avoir été posées là par erreur.
A leurs pieds,
une pierre étrange qui rappelle une fourmilière géante ou une roche de lave
creusée de trous énigmatiques. Sont-ils habités ? Mille-pattes, fourmis, champignons
ou autres insectes peuvent tout à fait avoir investi les lieux. Mais on ne peut
que les imaginer.
Quelques fraisiers sauvages déploient timidement leurs feuilles, cachés à l'abri d'autres espèces de plantes dont les noms m'échappent. De ci, de là, quelques pissenlits tentent une percée.
L'image s'estompe pour laisser place à une autre.
C'est le même endroit pris sous un autre angle. La hauteur des arbres est là plus évidente. Un arbre, dont le tronc un peu plus noueux que les autres, apparaît plus solitaire et moins feuillu. Peut-être est-il malade ? Peut-être est-il plus vieux que les autres ? Rien ne saurait le dire.
L'une de ses branches tordues semble abriter à sa base un trou, tout à fait à même d'accueillir un écureuil ou un hibou. Perdue dans mes pensées, je me laisse aller à imaginer la vie fourmillante de ces anciens boqueteaux que seuls le vent et la pluie venaient parfois déranger.
Au
centre de l'image trône un rosier un peu décharné. Sans doute le manque de
soleil l'aura-t-il rendu quelque peu chétif. Contrairement à d'autres rosiers
qui, au fond de l'image, bénéficient d'un soleil radieux et développent un
feuillage plus sain et fourni.
Pourquoi cet isolement ? Pourquoi une telle
punition ?
Aurait-il piqué de ses épines quelque jardinier capricieux qui,
pour se venger, l'aurait laissé planté là ? Une autre étrangeté du
décor attire mon regard un peu plus loin sur la droite de l'image : ce
sont des pierres qui, alignées au pied d'un arbre, cachent peut-être un sombre
secret. Un animal familier enterré ? Qui sait ...
L'image s'estompe pour laisser place à une autre.
C'est
un autre lieu, dans un autre pays très éloigné du mien. Le décor semble presque
irréel tant il est parfaitement organisé dans sa fausse beauté.
Quelques
détails viennent cependant gâcher la perfection de cette vue : au premier
plan à gauche, un chemin étriqué, trop bien dallé, sans aucune imagination,
n'invite pas au lâcher prise. Il concentre, dirige le promeneur, lui
interdisant par sa bordure l'accès à la magnifique pelouse qui lui fait face.
Aucune plante, aucune fleur, aucun arbre n'est là par hasard. La recherche de
la perfection vue par l'œil humain m’apparaît soudain comme un défaut, comme un
camouflet à la nature.
Des lampadaires modernes sont savamment plantés pour
prolonger l'alignement des bandes de pelouse.
Violent, ce côté artificiel me fait mal.
Mal aux yeux car ce n'est pas la vraie nature que je vois. Mes yeux pleurent en
son honneur. Mal aux sens car rien ne m'inspire ici et je ne souhaite plus
qu'une chose : voir disparaître cette image pour qu'une autre, plus
naturelle la remplace. Une vision pure, sans artifices, d'un lieu que personne
n'aurait cherché à arranger à sa façon.
Mon paradis vert ...
Pourquoi t'ai-je quitté ? J'aurais dû rester pour te préserver au lieu de me fourvoyer dans cette vie qui n'a aucun sens, entourée de béton, constamment bombardée d'ondes, étouffant dans un air vicié et pollué quasiment toute l'année, courant sans cesse sur des voies de circulation bien délimitées.
Épuisée,
j'éteignis le projecteur pour mettre fin au diaporama.
Je pensais me détendre.
Je n'avais fait que constater un peu plus les dégâts de mes choix.
Il fallait
que je dorme, que je réfléchisse aussi.
Partir m'apparaissait de plus en plus
comme la meilleure solution. Et il y avait urgence car de toute évidence, je me
sentais mourir dans cet environnement qui n'avait rien à offrir à mon corps ni à
mon âme.
Le manque de pureté naturelle de mon paradis vert, petit îlot jalousement préservé à l'ombre de mon cœur, me manquait cruellement.
Demain sera un autre jour...
Sylveen S. Simon - Mars 2019
Ecriture Poétique à partir de trois images - L'îlot préservé