Textes poétiques
Les repas chaleureux d'autrefois
Les repas chaleureux d'autrefois
Rien ne vaut la chaleur d'un bon repas lorsque le froid nous étreint le cœur et le corps. La cordialité de ces moments de partage réchauffe jusqu'à l'âme.
Cuisiner, pour donner à manger et se nourrir soi-même, mais aussi pour partager et échanger sur ces instants de pur plaisir des sens. Voilà qui promet un bel hiver !
Commençons ce plaisant périple par les soupes qui étaient servies autrefois, autour d'une table en bois où la famille se réunissait en silence. Les fumets dégagés emplissaient la salle d'une douce chaleur. Veloutés de potiron et autres soupes de lentilles fleurissaient les tables et enchantaient les papilles. Les ventres se réchauffaient en même temps que les âmes au coin des cheminées.
Venaient ensuite, pour les moins pauvres ou les plus chanceux, le gibier chassé non loin dans les bois enneigés. La perdrix tout comme le lièvre étaient pendus plusieurs jours à une poutre, dégageant une odeur de viande faisandée. Ils seraient ensuite plongés dans une marinade destinée à attendrir et marquer la chair d'autres effluves.
Au fil des siècles, la cuisine a évolué. La pièce elle-même s'est transformée, laissant de moins en moins de place aux cuisinières qui ne prenaient plus le temps de faire mijoter de bons petits plats. Il faut dire que la taille des familles allait en diminuant et que le travail empiétait sur le temps à consacrer à la préparation des repas.
Pour ma part, je me souviens de ces repas de famille, notamment pour les fêtes de fin d'année, où je voyais ma mère se lever aux aurores afin de préparer un repas gargantuesque pour dix à vingt personnes, voire plus. Le temps était pris de reconstituer le faisan sur un large plat en argent, pour le présenter aux convives avec ses plumes. Il restait alors à dénuder la bête d'un geste gracieux, avant de la découper pour en partager la chair, sous les applaudissements des convives réunis autour de la table décorée de branches de houx, posées sur une nappe blanche impeccablement repassée.
Les assiettes en porcelaine étaient parfaitement alignées, ainsi que les verres et les couverts. J'ai appris très jeune à dresser la table, sachant quelle place devait avoir chaque fourchette à poisson, à viande ou à huîtres ; chaque couteau à beurre, à poisson, ou à fromage ; chaque verre selon s'il devait accueillir de l'eau, du vin rouge, du vin blanc, du champagne, ou du porto. Mais aussi chaque assiette selon les mets prévus : huîtres, escargots, entrées, plats, desserts... La table était à l'honneur et pour cause : elle rapprochait les gens et rendait heureux.
Me reviennent à l'esprit autant qu'au cœur certaines recettes dont je ressens encore le goût et l'odeur. Cela pouvait aller de la quiche lorraine à la choucroute, en passant par la ratatouille ou le couscous, ou bien des plats à base de crème pour faire plaisir à mon père d'origine normande. Il y avait quelques gâteaux aussi parfois comme le savarin, le baba au rhum ou la tarte aux pommes.
Aujourd'hui, mon âme épicurienne conserve le plaisir de cuisiner, de ressentir ces arômes que je réunis pour de nouvelles sensations, de jouer aussi un peu parfois au petit chimiste en testant des associations improbables, étonnants parfums sucrés-salés ou marqués d'une pointe d'épices, qui exhalent une senteur particulière à même de faire voyager notre âme vers d'autres contrées.
Lorsque j'avais une quinzaine d'années, je me souviens avoir cuisiné pour la fête de mon père une « tourte façon Bernard ». J'avais profité de l'absence de mes parents pour leur faire la surprise et surtout pour ne pas avoir ma mère sur le dos dans la cuisine, car je voulais la préparer à ma manière.
Lorsqu'ils sont rentrés et que je leur ai présenté mon plat, je me souviens du sourire qui illuminait le regard de mon père. Il s'est régalé et en a repris une deuxième fois, notant l'association des goûts et la parfaite cuisson, tandis que ma mère débitait ses remarques pour préciser ce qu'elle aurait fait. J'aurais aimé pour autant qu'elle soit tout aussi transportée et heureuse que mon père et se contente de déguster ce moment comme je l'ai fait.
Aujourd'hui, même seule, j'aime cuisiner. Je rapporte du marché des fruits et légumes de saison et je me libère en cuisine, laissant mon âme flotter dans les vapeurs et mes sens s'extasier des odeurs de préparation. Je goûte, j'assaisonne, je rectifie, je m'amuse.
J'aime aussi partager mes idées avec amis et j'organise parfois des dégustations autour de soupes aux épices. Pour faire découvrir une compotée abricot-kaki, ou une confiture maison réalisée le week-end à partir des fruits de saisons, j'amène à l'occasion à mes collègues un petit déjeuner improvisé et j'observe les réactions. Les retours de dégustation pleins de sourires m'emplissent de bonheur.
Ce n'est pas parce que l'hiver est là qu'il faut entrer dans une triste léthargie. Bien au contraire ! Apporter sur la table des plats remplis de couleurs et de chaleur n'est que pur plaisir. Varier les amusements dans les associations de saveurs et les partager, ce n'est que du bonheur.
Alors, cet hiver, à vous de jouer ! Transformez votre cuisine en atelier enchanté...
Il n'est point besoin de cheminée ou de mets coûteux, car les meilleurs moments partagés sont souvent ceux élaborés à partir des ingrédients les plus simples. Faites participer les enfants en leur laissant mettre leurs mains dans la pâte et choisir des associations de couleurs. Incitez vos convives à plus d'audace en les faisant jouer avec les épices. Faites-leur associer des textures et des parfums dans leurs desserts. Laissez leurs cœurs s'enchanter à l'idée de partager ce moment de grâce, convivial et chaleureux.
Et puis, pour que le plaisir perdure, échangez vos recettes. Et pour motiver les plus récalcitrants, pourquoi pas organiser un concours de quiches, de tartes ou de confitures.
Je vous souhaite un bel hiver à tous !
Chaleureusement vôtre...
Sylveen S. Simon - Brisures hivernales - Les repas
chaleureux d'autrefois
(Décembre 2019)