Nuit de cristal

Un texte poétique de 341 mots ; temps de lecture : 4 minutes

Le souffle cruel hivernal nous ceint de mélancolie. Dans sa gangue de cristal, la lavande s'est endormie. Certains de ses bourgeons non éclos se retrouvent par la glace et le froid façonnés. Les dernières fleurs, ainsi figées, exposent leur robe bleu mauve immobile, telles des toiles mouchetées dans ce paysage blafard que le blanc et le gris ont envahi. La nature parfois délire, en des spasmes anecdotiques, de floraisons tardives en convulsions glaciales.

L'hiver ne tue pas les fleurs ; il les garde pour lui, les conserve contre son cœur tels les rêves dans nos nuits. Pensant mettre à l'abri leur beauté, il ne fait que reculer la fatidique échéance qui les verra se faner, dès lors que son emprise sera desserrée.

Le sourire de l'hiver, d'un blanc immaculé, disparaîtra bientôt, nous laissant les souvenirs amers de nos éclats de jeunesse. Ils sont comme les flocons de neige qui dansent gaiement, tombent et disparaissent quand revient le printemps.

Au passage, ils jouent leur rôle sur nos corps fatigués, nous laissent des états d'âme qu'il nous faut réchauffer. Balayons-les sans risques, ni mauvaises pensées, sans crèmes ni chirurgie propres aux fortunés. Notre âme est le printemps qui, dans notre corps, fait circuler la sève, amenant le renouveau au cercle des années qui s'écoulent, sans bruit, et fondent au soleil en rêvant aux étés qui s'enfuient.

Et si nos yeux reflètent chaque jour un peu plus cette nuit de cristal, emprisonnant notre esprit dans un corps endormi, conservons notre cœur de lavande fleurie, au parfum si délicat qu'il garde nos sens en éveil et repousse le grand sommeil.

Peu importe les saisons qui passent. Conservons notre force intérieure, c'est là qu'est la priorité. Vieillir est naturel. N'ayons pas peur de nous flétrir. A chaque âge sa beauté entend-on parfois dire. Et si notre énergie débordante vient par ci, par-là, rider la surface de notre enveloppe charnelle, sa concentration au fil des ans est telle que sa lumière rejaillit sur les jeunes pousses qui nous entourent, les protégeant des sombres remous. De cela, réjouissons-nous.

Sylveen S. Simon - 18 janvier 2024 - Ecriture poétique à partir de ma photographie

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